L'araignée
J’ai peur.
Je l’ai vue avant de me coucher, elle est là !
Je n’ai pas eu le courage d’essayer de la tuer… si je la rate, si mon chausson n’est pas assez rapide, elle pourrait passer rapidement derrière mon lit, et là… en mouvement… elle va chercher un nouvel endroit où s’arrêter. Peut-être loin, tout là-haut au plafond, mais peut-être plus près, juste au-dessus de ma tête. Elle n’a pas peur de moi, j’imagine déjà ses pattes passer sur mon visage, à la recherche d’un petit coin tranquille. Endormi, je ne sentirai rien.
C’est horrible ! Il ne faut pas que je dorme, il faut que je la surveille, jusqu’à ce que quelqu’un de courageux vienne m’aider. Une personne qui a le geste fort et précis, qui sera sûre de ne pas rater sa cible.
En attendant, il faut que je me protège ! Enfoncé sous les couvertures, je n’ai qu’un oeil qui dépasse, une pupille dédiée à la surveillance de ce monstre poilu qui me veut du mal.
Certains disent que ces petites bêtes ne peuvent rien contre moi, qu’elles ont forcément plus peur de moi que moi d’elles. Mais dans ce cas, pourquoi celle là a-t-elle le courage de venir s’installer à quelques dizaines de centimètres de mon lit ? Est-ce que je viens poser mon lit à côté de sa toile, moi ? C’est bien elle qui me nargue, et pas le contraire ! Elle n’a donc pas peur ! Au contraire, elle s’amuse de faire naître ce sentiment paralysant en moi. Je suis sûr qu’elle rigole de me voir blotti sous mes couvertures pendant qu’elle profite d’un repos, tranquillement posée dans sa toile en un endroit sec et chaud.
Elle attend sa proie. Un insecte qui viendrait s’engluer dans ses fils. Non ! Ce n’est pas cela qu’elle veut ! Elle sait très bien qu’elle ne se nourrira pas en restant au-dessus de mon lit. La proie qu’elle recherche, je suis sûr que c’est moi ! Elle se nourrit de ma frousse, de mes réactions d’enfant, de faible, d’humain à la recherche du contrôle de ses muscles pour quelques secondes, le temps d’un coup de chausson !
Il faut que je m’enfonce encore plus profond sous ma couette. Ainsi elle ne pourra pas m’atteindre. Je vais aller jusqu’au fond de mon lit. Tout est bien bordé, je n’aurai plus qu’à fermer correctement le haut et je serai protégé. Impossible pour ce monstre à huit pattes de venir me chasser. Je serai bien, en sécurité, et je pourrai enfin fermer les yeux et dormir. Ce n’est pas la position que je préfère, mais je me sentirai en sécurité, c’est le principale.
Et la nuit avança. Du sommeil pour l’humain, de l’immobilisme pour l’arachnide.
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Tu es sûr que c’est une bonne idée ce que nous faisons ?
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Oui, tu as bien vu, ça marche !
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Ca ne risque pas de le traumatiser ?
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Il est encore jeune, il aura tout le temps d’oublier.
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Je trouve ça un peu cruel quand même…
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Cruel ? C’est lui qui cherche ! Il refuse de rester dans son lit et de dormir. Nous lui avons expliqué plusieurs fois qu’il ne fallait pas se relever une fois couché. Il refuse notre autorité, il faut bien en trouver une autre !
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Tu parles d’une autorité ! Et il ne se relève que pour regarder les étoiles. Ce n’est pas bien méchant.
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Quand il y passe des heures et qu’on le retrouve endormi au-dessus de ses couvertures, cela peut devenir “méchant” comme tu dis. Il risque de tomber malade, de tomber de son lit…
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Je reste partagée quand même… fixer cette fausse araignée au-dessus de son lit pour lui faire peur et qu’il ne se relève plus pour… simplement regarder les étoiles…
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Je t’assure que nous serons beaucoup plus tranquilles s’il a peur et qu’il reste blotti sous sa couette. Regarder dehors, rêver aux étoiles… tu ne veux pas que nous lui rendions ses livres aussi ? Nous perdons quand même beaucoup moins de temps à répondre à ses questions depuis qu’il a la télé dans sa chambre...
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