LIBRE COURS A L'ENCRE NOIRE

Grande Promesse Susurrée

 

 

Les draps étaient chiffonnés, dispersés dans tous les coins de la pièce. De la sueur perlait sur le front de Mélanie et d’Antoine. Ils respiraient profondément pour capter de l’extérieur un peu d'énergie pour continuer doucement à se caresser. Toute leur énergie avait été dépensée dans un corps à corps amoureux, un duel pour décupler le plaisir de l’autre. Les félicitations aux vainqueurs prenaient la forme de tendres baisers sur les mains, de douces caresses sur des peaux moites.

Le bonheur existe. Ce soir là, il était dans la chambre de Mélanie et Vincent.

Cimentés l’un contre l’autre, les amoureux s'endormirent, chaque souffle harmonisé aux bruissements de l’autre.

 

Mais Antoine était très jaloux. Il envoyait à longueur de journées des sms à l’Amour de sa vie pour savoir ce qu’elle faisait, avec qui. Si elle se sentait bien ou si elle était impatiente que le soir arrive pour retrouver son seul et unique Amour. Mélanie était touchée par ces attentions, d’autant qu’Antoine connaissait son défaut. Il se retenait pour ne pas envoyer plus d’un message par heure. Il faisait tellement attention à cette limite qu’il s’était lui-même fixée que certains jours, chacun de ses messages était espacé d’exactement 60 minutes… pas une de plus, pas une de moins. Le jeu dura plusieurs mois. Mélanie et Antoine était amoureux. Elle, heureuse, lui, dévoré tous les jours par sa jalousie, réconforté toutes les nuits par la présence de son Amour près de lui.

Les journées d’Antoine étaient des tortures.

“Que peut-elle bien faire ?”

“Avec qui est-elle en train de rigoler ?”

“Je suis sûr qu’en ce moment elle est plus heureuse qu’hier soir dans mes bras”.

L’imagination est un poison mortelle quand son utilisateur se laisse déborder par son absence de limite.

 

Pour officialiser son Amour, Antoine décida de demander Mélanie en mariage. La promesse d’un amour éternelle fut susurrée après une soirée d’amour. Tout contre elle, il lui avoua avoir besoin de sa présence à ses côtés pour être heureux. Elle ne put résister et enfila à son doigt une bague qui supportait un gros diamant. Mélanie s’était demandée le pourquoi d’un si gros bijou, puis avait laissé ses interrogations disparaître, submergées par le bonheur du mariage à venir.

 

Étonnement, à la suite de cette demande en mariage, Antoine devint moins jaloux. Les messages se firent plus espacés, moins cadencés par les 60 minutes réglementaires. 3 ou 4 dans la journée pour exprimer les banalités du couple. Mélanie fut ravie de ce changement. Cette nouvelle attitude, ce gain de maturité de son Antoine la rassura dans son choix de lui confier son bonheur à venir.

 

Pourtant, Antoine restait constamment près de son téléphone. Toutes les 15 minutes, il se jetait sur lui, allumait une application gps et se rassurait de voir que sa Mélanie était toujours sur son lieu de travail. Une simple pression au bas de l’écran permettait d’afficher le parcours de sa future femme pendant les heures précédentes. Antoine était ravi de ce gadget, chronophage, loin d’être une thérapie face à ses troubles de confiance… cette technologie lui permettait de cacher son défaut.

A 2 mois de la cérémonie, du fameux plus beau jour de la vie de Mélanie et Antoine, un lundi banale, le futur marié remarqua que sa promise avait passé son temps libre de midi dans un endroit bien connu : la maison du meilleur ami d’Antoine. Celui-ci habitait à 15 minutes du lieu de travail de Mélanie. Le soir venu, Antoine parla avec désinvolture de ce qu’il avait mangé le midi même avec l’espoir que Mélanie lui dévoile pourquoi elle avait mangé avec son meilleur ami. Mais Mélanie parla d’un repas à la cantine, comme tous les midis.

Elle venait de mentir !

Il ne réagit pas. Ils firent l’amour le soir même, comme tous les soirs, et leurs souffles s’accordèrent pour laisser place au sommeil comme si l’air qui les entourait n’était pas chargé de la lourdeur noire du mensonge.

Le lendemain midi, Mélanie retourna manger chez le meilleur ami d’Antoine. L’application ne pouvait pas mentir, elle. Et le soir même, Mélanie mentit à nouveau.

Le petit jeu dura une semaine. Antoine n’en dormait plus, n’arrivait plus à se concentrer sur son travail. Il imaginait sa future femme et son meilleur ami s’envoyer en l’air tous les midi. Mangeaient-ils avant ou après le sexe ? Buvaient-ils du vin rouge ou du blanc ? Prenait-elle une douche après ses ébats ?... ou se couchait-elle le soir venu dans les bras de son futur mari avec le goût de la salive d’un amant sur les seins ?

La vie d’Antoine avait basculé. Un lundi midi… elle avait continué à sombrer les jours suivants... Le samedi matin venu, Mélanie fit remarquer à Antoine qu’il avait mauvaise mine, qu’il semblait préoccupé, qu’il avait le droit de moins s’investir dans les préparatifs du mariage si cela pouvait le soulager. Cette proposition lui fit sauter les plombs :

- Tu ne veux plus ta marier ? C’est ça ?

- Rien du tout ! Je te propose juste de te reposer ! Pourquoi tu t’énerves ?

- Je sais tout !

- Comment ça, tout ?

- Je sais où tu passes tous tes midis depuis une semaine !

- Pardon ?

- Oui, je sais où tu manges tous les midis. Et quand je dis où tu manges, je pense que je suis loin d’exprimer ce qui s’y passe réellement !

- Comment tu sais ça toi ? répondit Mélanie avec un sourire en coin. Qui te l’a dit ?

- Ca te fait rire ? Content de voir qu’en plus tu te moques de moi !

- Bien oui ça me fait rire… qui a craché le morceau ? C’est pas bien malin…

- Il y a un gps dans la bague de fiançailles.

Mélanie resta clouée sur place. La bouche ouverte, elle regarda la bague à son doigt, comprit pourquoi le diamant était si gros, et reprit la discussion, passablement énervée:

- Tu me pistes avec un gps ? C’est vrai ?

Antoine ne se démonta pas. Il savait qu’il allait falloir s’expliquer mais choisit de ne pas mollir au risque de s’enfoncer.

- Oui je te piste, et j’ai eu raison ! Tu m’as menti toute cette semaine. Tu me trompes !

- C’est ça que tu crois ? Que je te trompe ? Pauvre type…

- Alors dis-moi, qu’est-ce que tu as fait tous ces midi ?

Mélanie partit dans sa chambre, sortit une valise de sous le lit, y fourra quelques affaires et retourna face à Antoine :

- Tu es cinglé, je ne peux te pardonner ça. Elle prit la bague et la posa dans la main d’Antoire. Garde cette bague sur toi, ton application t’aidera peut-être à savoir en tu en es…

Antoine était incapable de parler, il regardait fuir l’Amour de sa vie.

Avant de franchir la porte d’entrée, Mélanie se retourna, fixa Antoine dans les yeux et lâcha une dernière phrase :

- J’ai passé tout ce temps chez ton meilleur ami pour l’aider à préparer ton enterrement de vie de garçon...

 

 



23/07/2015
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Littérature & Poésie pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 24 autres membres