LIBRE COURS A L'ENCRE NOIRE

Dans la cathédrale de Cambrai

 

 

L'ambiance était lourde entre les murs de la cathédrale. Une centaine de personnes, toutes vêtues des plus belles étoffes, des plus belles couleurs, des plus beaux bijoux, attendaient les paroles du Grand Maître. Le silence tourbillonnait entre les vitraux. La lumière du soleil volait à ces assemblages colorés de quoi rendre plus jeune chaque pierre usée par le temps.

Les regards étaient fixes. L’impatience avait pris possession de tous les coeurs présents. Intenable, chaque minute coulait avec à sa suite un cortège de lourdeurs similaires.

Il faisait chaud sous les ornements. Impossible de desserrer les fraises pour laisser l’air sécher les cous. Impossible d'ôter les gants blancs au risque de voir les foudres du Grand Maître se déchaîner. Dans cet endroit hanté par Dieu, il ne fallait pas défier le pouvoir, quel qu’il soit.

Ainsi, les minutes passaient. Les heures. Chacun attendait la décision finale. Celle qui allait changer une destinée pour une année entière. Impossible de ne pas être présent. Impensable de continuer à vivre normalement pendant qu’ici, dans la cathédrale de Cambrai, se prenait l’une des plus importante décision de l’année.

Au milieu du groupe, un homme osa lever une main pour se gratter le haut du crâne. Son geste fut lent et silencieux. La goutte de sueur qu’il ramassa du bout des doigts glissa dans le creux de sa paume avec une religieuse lenteur. L’air déplacé réveilla l’attention des proches du Grand Maître. Des regards noirs furent lancés vers le coupable de ce blasphème.

Qui avait osé bouger pendant ce saint office ? Le silence et l’immobilité étaient la règle. Rien ne devait venir troubler la concentration du Grand Maître. La décision était la plus importante qu’il y avait à prendre dans l’année. Une ville, une région, presqu’un pays était dans l’attente du résultat de ces heures.

L’homme au geste silencieux repositionna sa main contre sa cuisse. Les regards noirs cessèrent d’alourdir l’atmosphère de la cathédrale.

Dressé derrière l’autel, il était là. Le Grand Maître, le plus puissant, le premier de ces hommes. Vêtu de ses habits d'apparat, il bougeait lentement. Chaque mouvement était réfléchi, geste après geste, toute son âme était dirigée vers un but ultime. Sa concentration était à son paroxysme. Sur ses épaules se jouait l’avenir.

Enfin, après plus de trois heures de dégustation, il dépassa l’autel et se présenta à la foule. Il leva les mains, releva le front vers le ciel, et prononça comme tombe une sentence :

- La meilleure andouillette de l’année 2015 est celle... de la charcuterie du “Joyeux Cochon” !

 

 



17/07/2015
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