LIBRE COURS A L'ENCRE NOIRE

Mars : un espoir terrien (Seconde partie)

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        Le quatrième et dernier acte commença par un espoir.

Une unique voie de communication existait encore entre les trois entités qu’étaient l’Amérique du Nord, l’Europe et la Chine. La célèbre NASA avait cessé ses activités faute de budget mais la passion de certains hommes pour l’espace était intacte. Des scientifiques de tout le monde vivant conclurent un pacte qu’ils baptisèrent : “Mars : un espoir terrien”. Le but était de convaincre les trois gouvernements existants de la nécessité d’explorer la planète rouge. La possibilité d’une installation sur cette terre désolée loin des radiations nucléaires mortelles n’était qu’un leurre pour que le monde des survivants s'unisse et travaille ensemble. La science comme un salut pour l’humanité.

        Les tractations furent longues et laborieuses mais aboutirent à un accord. Une capsule devrait décoller pour six mois de voyage vers Mars suivis d’une semaine d’exploration sur place. La mission était planifiée pour une durée de cinquante trois semaines au total. L’accord final contenait deux conditions. Premièrement : tous les coûts devaient être strictement divisés par trois. Deuxièmement : la capsule aurait une capacité de trois hommes.

        Un an plus tard, une fusée lançait vers Mars une capsule grande comme deux chambres à coucher avec trois hommes à bord.

        J’étais le représentant de l’Europe. Je fus choisi parmi des centaines de volontaires qui voulaient quitter un monde triste et sans avenir.

        La première semaine se passa sans encombre. L’ennui était notre quotidien. La seule distraction offerte par les scientifiques de la NASA était les bulletins d’information terriens épurés de tout élément qui aurait pu créer des tensions entre trois aventuriers venant de mondes rivaux en pleine guerre froide.

 

        Puis le drame survint...

 

        La station spatiale internationale laissée à l’abandon quelques années auparavant rentra dans l’atmosphère. Cette chute était normale et scientifiquement prévisible mais la tension ambiante fit que la Chine crut à une attaque. Sans essayer de comprendre, elle mobilisa toutes ses forces nucléaires à l’attention de ses deux ennemis. Sans attendre, l’Amérique du Nord et l’Europe firent de même. Toutes les bombes atomiques que la terre portait explosèrent en quelques heures.

        J’ai vu la terre perdre son bleu sous des assauts de jaune et de rouge. Comme certains privilégiés, les scientifiques de la NASA survécurent au feu nucléaire dans leur abri... mais moururent rapidement de faim.

        Seuls survivants de toute l’espèce : nous étions trois humains en route vers une planète déserte et inhospitalière.

        Dans la capsule, la peur et la bêtise des hommes dominèrent rapidement. Les discussions précédèrent les actes. Les coups-de-poing précédèrent les crânes qui s’ouvrent.

        Je n’ai tué qu’un de mes deux compagnons d’aventure... Celui qui voulait justement me tuer ! Je le savais capable... Il venait de tuer un homme de ses mains, là, juste sous mes yeux !

 

        Je viens de passer six mois dans une capsule aux côtés de deux cadavres. Leurs odeurs sont insoutenables. J’ai sacrifié une couverture pour ne plus les voir. Penser est mon unique occupation. Je ne suis jamais fatigué. Je ne dors que par courtes périodes de dix minutes. Seule la curiosité de découvrir le sol martien et de peut-être revenir sur terre un jour me garde de la folie.

        Je ne suis pas pilote. Toutes les trajectoires, les manœuvres, les procédures sont enregistrées et ont été réalisées en automatique. L'atterrissage sur Mars fut violent et je compris immédiatement que quelque chose s’était mal passé.         Me relevant, je vis d’abord les corps de mes deux compagnons d’aventure étendus au milieu de la capsule. La couverture m’avait trahi. Sur le tableau de bord, une lumière rouge clignotait. Fouillant les manuels je compris que l’ordinateur de bord avait détecté une fuite dans l’un des deux réservoirs d’oxygène. Malheureusement, il s’agissait de celui qui était encore plein. Celui qui devait être utilisé pour le voyage retour…

 

        A l’heure où j’écris ces lignes, le second réservoir a fini de se vider dans l’atmosphère martienne. Le premier délivre ses derniers litres de vie dans la capsule. Je sens déjà ma tête tourner. Je ne pourrai pas me relire.

        Si le programme informatique fait bien son travail, il ramènera mon corps et celui de mes deux camarades sur terre. Lui n’a pas besoin d’oxygène pour... vivre.

        Toi qui a la chance de lire ces lignes, je te souhaite bonne chance pour reconstruire un monde qui saura être raisonnable, tolérant, altruiste.

 

        Témoin de tant de souffrances je formule un dernier souhait : j’aime à croire que je suis le dernier être humain, et ma mort vient. Ma race a été incapable de sagesse… laissons leur chance à d’autres…

 

Fin

 

 



17/01/2014
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